- ACTINOPTÉRYGIENS
- ACTINOPTÉRYGIENSLes Actinoptérygiens constituent un vaste groupe de poissons osseux qui, depuis le milieu du Dévonien, s’est diversifié dans tous les milieux aquatiques. Avec presque 23 000 espèces connues, ils forment à peu près la moitié des espèces actuelles de vertébrés. Nous envisagerons rapidement ici leur histoire qui s’étend sur 300 millions d’années environ: les formes actuelles feront l’objet d’articles distincts.1. Les formes de baseLes Actinoptérygiens les plus primitifs et les plus anciens sont représentés par les genres Andreolepis , Lophosteus (du Silurien) et Cheirolepis (du Dévonien moyen), et de nombreux genres voisins au Carbonifère (Elonichthys , Carboveles , Cornuboniscus ...), au Permien (Paleoniscus ) et même au Trias (Pteronisculus , fig. 1). C’étaient des poissons de taille modeste (souvent de 15 à 20 cm), à corps fusiforme couvert d’écailles rhomboïdes épaisses. La structure complexe de ces écailles et la disposition des nageoires paires opposent les Actinoptérygiens aux autres poissons osseux. Les premiers Actinoptérygiens (Andreolepis , Laphosteus ) ne sont connus que par des écailles, des dents et des fragments d’os dermiques; il ne partagent avec les formes plus évoluées que l’existence d’une seule nageoire dorsale (il y en a deux chez les premiers Sarcoptérygiens) et d’écailles dites «préfulcrales».Chez les Actinoptérygiens plus dérivés, à partir de Cheirolepis , les écailles comprennent une couche basale épaisse d’os compact (isopédine), surmontée d’une couche assez mince d’os spongieux. Des cavités vasculaires de celui-ci, partent de fins canalicules qui rayonnent dans une substance dure, acellulaire: la dentine. Enfin, le revêtement superficiel de ces écailles est une matière qui, par sa forte minéralisation, sa dureté et son aspect brillant, rappelle l’émail des dents; mais elle en diffère par une structure stratifiée et par l’origine probablement mésodermique. Cette substance à aspect d’émail est appelée ganoïne, et ces écailles sont dites ganoïdes paléoniscoïdes. Les Actinoptérygiens plus dérivés que Cheirolepis possèdent des écailles s’articulant entre elles au moyen d’un système «tenon-mortaise» (fig. 2).Les nageoires paires, à base large, ont une rangée de pièces endosquelettiques s’appuyant sur la ceinture, et d’où partent de longs rayons dermiques (lépidotriches) disposés en éventail (fig. 3). Ces nageoires pluribasales distinguent nettement les Actinoptérygiens des Sarcoptérygiens [cf. CROSSOPTÉRYGIENS] et des Dipneustes à nageoires monobasales.Dans la nageoire dorsale, les lépidotriches sont plus nombreux que les pièces endosquelettiques correspondantes.La nageoire caudale est formée de deux lobes plus ou moins inégaux, mais très différents (fig. 1). Le lobe ventral est soutenu par les seuls rayons dermiques. Dans le lobe dorsal, fortement écailleux, se termine le squelette axial qui s’incurve vers le haut. Une telle nageoire, nettement dissymétrique par rapport à un plan frontal, est dite hétérocerque (ou épicerque), ce qui est la règle dans tous les groupes de poissons primitifs.La boîte crânienne est bien ossifiée, les orbites sont très larges; la région branchiale est recouverte, comme chez les autres poissons osseux, par un opercule.La bouche est largement ouverte, bordée en haut par un maxillaire allongé, portant des dents sur toute sa longueur, mais elle est peu protractile. La région jugale est constituée principalement par un préopercule étroit disposé horizontalement en arrière de l’orbite, au-dessus du maxillaire (fig. 4).Ces premiers Actinoptérygiens n’ont guère en commun avec les autres Ostéichthyens, en dehors du tissu osseux, qu’un plan assez voisin des structures crâniennes, l’existence de l’opercule recouvrant la chambre branchiale et celle, très probable, d’un diverticule pulmonaire du pharynx. Deux traits importants, cependant, les opposent aux Sarcoptérygiens autres que les Cœlacanthes [cf. CROSSOPTÉRYGIENS]: ils n’ont jamais de foramen pinéal, ni de narines internes.L’ensemble des formes primitives d’Actinoptérygiens, correspondant à la description qui précède, ont traditionnellement été regroupées dans l’ordre des Paléonisciformes qui ne représente qu’un grade évolutif sans valeur phylogénétique. Ils sont apparus, dans les dépôts d’eau douce, au Silurien supérieur, un peu plus tôt que les premiers Dipneustes et les Rhipidistiens. Ils sont rares d’abord, mais le nombre de genres (et d’individus sans doute) s’accroît rapidement. À la fin du Carbonifère, ils sont les vertébrés les plus communs en eau douce et quelques formes envahissent la mer.En dehors des nombreuses espèces de morphologie banale (cf. supra ), on trouve des Actinoptérygiens généralisés présentant diverses spécialisations.Dorypterus (Permien) a des nageoires pelviennes très avancées, insérées sous la gorge; cette disposition n’est connue chez aucun autre Actinoptérygien que les Téléostéens les plus évolués. Tarrasius (Carbonifère) a un crâne de Paléoniscide, mais le corps allongé, dépourvu d’écailles, et montre une nageoire impaire très étendue sur la ligne dorsale, la queue, et ventralement jusqu’à l’anus; les pelviennes ont en outre disparu. Carboveles (Carbonifère) qui reste très pisciforme a perdu, lui aussi, ses écailles.Plusieurs genres, pas sûrement apparentés, sont caractérisés par un aplatissement latéral du corps avec des nageoires impaires très étendues. Cette morphologie, qui se rencontre par exemple chez Amphicentrum , Platysomus ..., est associée souvent à une petite bouche et rappelle ainsi certains Téléostéens actuels qui vivent parmi les récifs de coraux. Chez les Saurichthys sont juxtaposés des caractères très primitifs (structure de la joue) et des spécialisations exceptionnelles au Trias (rostre, queue diphycerque).2. Évolution et classificationIl était classique de répartir les Actinoptérygiens en trois groupes qui se sont succédé, mais sans s’éliminer totalement: les Chondrostéens , les Holostéens , dont on sait désormais qu’ils ne représentent qu’un stade évolutif, les Téléostéens enfin, poissons modernes, mais apparus au milieu de l’ère secondaire. Les Brachioptérygiens, dont la position taxonomique a fréquemment varié au sein des Ostéichthyens depuis le siècle dernier, sont également des Actinoptérygiens [cf. BRACHIOPTÉRYGIENS].ChondrostéensLe groupe actuel des Acipenséroïdes, qui comprend principalement les divers esturgeons, a conservé des traits primitifs comme la structure des différentes nageoires, mais ils ont surtout des caractères de régression (réduction importante de l’écaillure, formée de quelques larges scutelles, et perte presque complète de l’ossification de l’endosquelette) et des caractères de spécialisation (rostre allongé, bouche ventrale entourée de barbillons). L’apomorphie principale qu’ils partagent avec les Actinoptérygiens plus dérivés est la présence d’écailles en V (fulcres) devant les nageoires.Par la réduction du squelette dermique et l’acquisition d’un rostre, le genre Chondrosteus (Jurassique inférieur) peut être l’origine des Acipenséroïdes qui sont connus depuis le Crétacé.Entre le groupe monophylétique des Chondrostéens et celui des Téléostécus s’intercalent divers taxons qui étaient réunis autrefois dans le superordre des Holostéens, reconnu depuis lors comme n’étant fondé que sur des caractères primitifs: l’analyse cladistique a permis d’y distinguer plusieurs ensembles monophylétiques.Dans des formes triasiques dont la position phylogénétique est mal connue, la structure du crâne est à peine modifiée, mais la bouche est un peu réduite par raccourcissement du maxillaire (ainsi le genre Australosomus , fig. 5). La région caudale évolue: le lobe dorsal écailleux de la nageoire caudale se réduit, et ainsi s’atténue l’hétérocercie. Les écailles montrent un début d’amincissement qui porte essentiellement sur la couche de dentine.Chez Pteronisculus (fig. 4), les Perleidiformes et les Redfieldiformes, du Trias, des fulcres frangeants se trouvent en avant de toutes les nageoires (synapomorphies des Chondrostéens, des Guiglymodes et des Halécostomes).Grade évolutif holostéenLe grade holostéen est représenté dans la nature actuelle par les Ginglymodes et les Haléocomorphes. Il est usuel de réunir les Halécomorphes, les Sémionotédés (clade fossile) et les Téléostéens dans le groupe des Halécostomes, caractérisés par la perte ou la réduction de la clavicule.GuiglymodesLepisosteus (actuel) est un poisson vivant dans les rivières et les lacs d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale. Il possède des centres vertébraux opisthocœles et des os infra-orbitaires munis de dents.SémionotidésApparu au Trias et éteint au Crétacé, ce groupe renferme une vingtaine de genres présentant d’incontestables caractères d’Halécostomes (mobilité du maxillaire, perte du quadratojugal). On ne peut cependant les réunir que sur la base de ressemblances générales: peut-être ne représentent-ils qu’un ensemble artificiel.HalécomorphesLe seul survivant du groupe des Halécomorphes est Amia calva , des Grands Lacs nord-américains; c’est un poisson de mœurs prédatrices. À sa famille (les Amiidés) sont rattachés les genres Amiopsis et Sinamia du Crétacé.Les Amiidés constituent, avec leur groupe frère, les Caturidés (jurassique), et avec les Parasémionotidés (Trias) un ensemble naturel dont la monophylie est attestée par des caractères particuliers de l’articulation mandibulaire.L’origine des TéléostéensSur la base de plusieurs synapomorphies, on assigne aux Téléostéens des genres spécialisés tels que Aspidorhynchus à corps élancé et museau allongé. Dapedius possède un corps aplati. C’est le cas aussi du groupe assez énigmatique des Pycnodontidés (Pycnodus , Microdon ), à bouche petite, à denture différenciée (dents coupantes sur le devant, dents broyeuses vers l’arrière de la bouche). Les Pachycormidés, avec leur corps fusiforme et leur grande caudale symétrique, rappellent les Scombridés et devaient être, comme eux, des nageurs rapides.Les Téléostéens sont déjà bien représentés au début du Crétacé. Parmi les traits nouveaux qu’ils manifestent par rapport aux formes moins dérivées, on retiendra:– homocercie de la nageoire caudale qui est superficiellement parfaitement symétrique (malgré la persistance d’une dissymétrie de l’endosquelette);– perte de la ganoïne aux écailles;– disparition de l’os gulaire au plancher buccal, entre les branches de la mandibule, des supramaxillaires et de quelques os crâniens ou mandibulaires; extension des prémaxillaires;– développement considérable du supraoccipital lié à l’insertion d’une importante musculature d’origine troncale.Grâce à l’analyse cladistique, la phylogénie des Actinoptérygiens est désormais bien connue dans ses grandes lignes. Certes, des zones d’ombre subsistent: les relations entre les Chondrostéens, Pteronisculus et l’ensemble constitué par les formes plus dérivées ne sont pas encore parfaitement comprises; le «genre» Leptolepis (un Halécostome proche des Téléostéens) est peut-être un groupe artificiel; la place des Guiglymodes peut être remise en cause, etc. Mais ces «défauts» – qui peuvent constituer autant d’axes de recherche – ne doivent pas masquer l’évidence: la compréhension de la phylogénie des Actinoptérygiens progresse rapidement. Ainsi, l’appartenance des Brachioptérygiens (Polypterus , Erpetoichthys ) à ce groupe a-t-elle pu être étayée par des caractères dérivés dont la pertinence est normalement admise. Les relations de diverses formes fossiles auparavant rassemblées dans le «groupe souche» des Paléonisciformes ont pu être reconnues, ainsi que leurs rapports avec les Chondrostéens et la monophylie de ces derniers. Les «Holostéens», paraphylétiques, ont été divisés en plusieurs ensembles monophylétiques: les Guiglymodes (Lepisosteus ) et les Halécomorphes (Amia ); Aspidorhynchus et les Pachycormidés (des «Holostéens» fossiles) sont maintenant classés parmi les Téléostéens dont ils possèdent les caractères dérivés de base. Les relations phylétiques entre les différents Téléostéens ont fait l’objet d’études fructueuses qui ont permis de s’assurer du caractère «naturel» de ce groupe.Nous disposons ainsi d’un schéma évolutif qui représente les liens de parenté des différents Actinoptérygiens entre eux et qui – pour incomplet qu’il soit encore en ce qui concerne notamment plusieurs formes fossiles mal connues – permet d’appréhender mieux que ne le faisait la classification traditionnelle (Paléonisciformes, Chondrostéens, Holostéens, Téléostéens) la complexité de l’évolution de ces poissons à nageoires rayonnées: c’est là une base indispensable à toute recherche subséquente sur le sujet.actinoptérygiensn. m. pl. ICHTYOL Sous-classe d'ostéichthyens, poissons dont les nageoires sont soutenues par quelques vrais rayons bien ossifiés. Les actinoptérygiens comprennent les chondrostéens (esturgeon), les holostéens, les téléostéens et le polyptère.— Sing. Un actinoptérygien.actinoptérygiens [aktinopteʀiʒjɛ̃] n. m. pl.ÉTYM. Mil. XXe; de actino-, et -ptérygien.❖♦ Zool. Sous-classe de poissons (classe des Ostéichtyens) à nageoires rayonnantes en éventail et à fentes branchiales recouvertes d'un opercule osseux, groupant la majorité des formes actuelles (15 000 espèces environ). — Au sing. || Un actinoptérygien.
Encyclopédie Universelle. 2012.